Sociologie de l’Education

ESSAI CRITIQUE

Je vais vous faire part d’un essai que j’ai réalisé dans le cadre de mes études en sociologie de l’éducation. Cet essai critique est inspiré d’extraits des ouvrages suivants :

« Etude systémique des actions de formation » de J. BERBAUM
& « Ethnométhodologie et éducation » de A. COULON  &  « Les concepts élémentaires du matérialisme historique » de M. HARNECKER

INTRODUCTION GENERALE

Depuis qu’ils existent, les hommes mettent en place des règles et développent des stratégies pour vivre en groupe afin de subvenir à leurs besoins. C’est là une pensée simple, qui semble juste et rationnelle. Mais aux regard de la sociologie, la science des faits sociaux, il ne s’agit pas avant tout de traiter les faits sociaux « comme des choses », c’est à dire de les considérer sous leurs aspects extérieurement observables, mais bien de savoir pourquoi et comment les individus s’organisent et quels sont les moyens utilisés pour atteindre leurs objectifs. Cela est souvent plus compliqué que nous pouvons l’imaginer.

D’autre part, la découverte d’une loi sociologique est plus complexe et plus contestable que celle d’une loi physique ou chimique. En effet, le sociologue ne travaille pas dans le monde bien clos du laboratoire, mais dans un monde ou d’innombrables déterminismes s’entremêlent.

C’est ce que nous allons voir maintenant après la lecture de l’extrait de l’ouvrage « Etude systémique des actions de formation » de J. Berbaum intitulé « les concepts de l’étude des systèmes » et du premier chapitre de l’ouvrage « Ethnométhodologie et éducation » de A. Coulon intitulé « Le renversement Ethnométhodologique ».

Nous essaierons de comprendre comment, Marx, d’après l’ouvrage de Marta Harnecker « Les concepts élémentaires du matérialisme historique », initiateur du changement, a inspiré les réflexions de Berbaum et de Coulon.

Dans la première partie de cet essai, je proposerai de découvrir la conception systémique et d’en faire la critique par rapport au concept de structure.

Dans la seconde partie, je comparerai la notion de fait social et la place de l’acteur social par rapport au concept des rapports sociaux.

PREMIERE PARTIE

INTRODUCTION
Dans cette première partie, je développerai les réflexions et les remarques que m’a inspiré la notion de systèmes dans l’ouvrage « Etude systémique des actions de formation » de Berbaum en liaison avec le concept de structure du matérialisme historique tel que l’a décrit Marta Harnecker dans « Les concepts élémentaires du matérialisme historique ».

Conception systémique et concept de structure

La notion de système participe à la fonction de l’ensemble du concept de structure puisqu’elle se réfère à un tout dont les éléments ne sont pas simplement juxtaposés, mais se trouvent, contrairement au concept de totalité, répartis selon une organisation d’ensemble.
La notion de système telle qu’elle est décrite par l’auteur met en évidence les quatre concepts fondamentaux suivants :

1. La notion d’interaction
Tout d’abord, dans l’étude des systèmes, la notion d’interaction est un concept fondamental et particulièrement riche qui peut prendre des formes plus ou moins complexes. Cette complexité peut donner naissance à des systèmes ouverts ou fermés qui, vivants, évoluent, se développent et croissent en se différenciant. Ces éléments distincts en interaction et ces ensembles en interaction avec l’environnement sont animés par les notions de changement et de finalité. L’évolution amène donc les systèmes à adopter des formes variables qui permettent une meilleure adaptation à l’environnement.
Le concept marxiste de structure qui va au-delà d’une simple organisation des éléments en un tout, accorde, lui aussi, une valeur fondamentale aux types de rapport qui s’établissent entre les divers éléments du tout. Ces rapports issus de processus de travail sont eux-mêmes déterminés antérieurement par l’histoire. Ils sont appelés systèmes.
Par exemple, le système esclavagiste est un ensemble de rapports provenant d’un processus de travail qui, en évoluant, est devenu un système servile. Tout comme dans la systémique, le système fluctue en fonction de son environnement et son identité lui vient des changements.

2. La globalité
La notion de globalité est une caractéristique de la systémique non par la somme d’éléments, comme le raisonnement cartésien, nous inciterait à le croire, mais par la composition d’un ensemble d’éléments. Un système est donc un tout non réductible à ses parties.
Ce raisonnement rejoint le concept de totalité au sens strict seulement car  dans la globalité il y a aussi une notion d’émergence, ce que l’auteur appelle « un tout dominé par l’existence de l’interrelation entre composants », qui conduit à une véritable hiérarchie des systèmes.

3. L’organisation
L’organisation peut être considérée comme le concept central de la systémique. C’est à la fois l’interrelation des éléments mais aussi l’organisation de ces interrelations. Ce terme « organisation » recouvre donc à la fois un état et un processus.
Dans l’analyse structurelle du mode de production capitaliste, nous retrouvons aussi la notion de processus. Toutefois, cette notion est nuancée par le fait qu’il « ne peut être étudié scientifiquement qu’à partir des rapports de structures fondamentaux qui déterminent ce que ce processus a de spécifique et qui le différencie de tout autre processus ».
D’autre part, la notion d’organisation est comme dans la notion de structure, une totalité articulée composée d’éléments visibles. Lorsque l’organisation s’enrichit d’une idée d’ordre interne défini, et qu’elle est soumise à une hiérarchie, le matérialisme historique parle alors de système.

4. La complexité
La complexité est partout, dans tous les systèmes. Différents de la notion de complication, la complexité d’un système dépend :
- de la manière dont se tiennent les rapports ambigus entre déterminisme et hasard apparent, entre ordre et désordre,
- de la provenance de l’incertitude et des aléas propres à son environnement,
- du nombre et des caractéristiques de ses éléments et de ses interrelations ainsi que de la composition intrinsèque même du système.
Tout comme le concept de structures complexes de la formation sociale, les systèmes peuvent se différencier non seulement par « leurs constituants physiques ou leur classe d’organisation, mais aussi par le type de contraintes et d’émergences ».
En effet, c’est l’organisation qui est à l’origine de l’unité complexe qu’est le système : à la fois conséquence et origine de la structure qui le caractérise. Ce sont aussi les liaisons  entre éléments qui déterminent cette organisation.

CONCLUSION
D’après la description critique que nous venons de faire ci-dessus, le paradigme systémique participe à la fonction de l’ensemble du concept marxiste de structure. Le structuralisme est donc un des principaux mouvements précurseurs de la systémique.
La systémique s’est aussi enrichie de certaines notions qui caractérise la structure cybernétique -sciences de l’organisation- mais qui s’y oppose cependant, au niveau de la recherche de l’équilibre. Elle évoluera donc dans son fonctionnement tout en prenant en compte les composants en interaction. Cependant, une condition s’impose : l’organisation de ces interactions doit être dominée par la notion de finalité.
Le concept systémique a donc deux points de vue : l’un structurel et l’autre fonctionnel indissociables.

DEUXIEME PARTIE

INTRODUCTION
Née dans les années 60, l’Ethnométhodologie est un courant de la sociologie américaine. Après sont ouvrage « Ethnométhodologie » sortie en 1987, Alain Coulon traite d’un sujet sensible au coeur des débats actuels dans son livre intitulé « Ethnométhodologie et éducation » 1993.
Celui-ci sera le thème de notre réflexion et de notre critique face aux concepts élémentaires du matérialisme historique d’après Marta Harnecker.
Nous verrons succéssivement :

1- la notion de fait social et de rapports sociaux
2- le rôle de l’éthnométhodologie

1. La notion de fait social et de rapports sociaux
L’éthnométhodologie est née des rapports  entre la connaissance profane du monde social par les individus et des connaissances savantes construite par les sociologues à partir des connaissances profanes.
Son but est la recherche empirique des méthodes que les individus utilisent pour donner un sens à leur action.
Aussi, l’analyse des pratiques de l’acteur social nous amène à introduire la notion de fait social. En effet, étant le produit des activités continuelles des hommes, les faits sociaux sont décrits ici, comme ne s’imposant pas aux hommes. Ils sont considérés comme des accomplissements pratiques. On retrouve donc le grand courant Wéberien de l’individualisme méthodologique où l’action est centrale et qui renferme les trois concepts suivants :
- comprendre les motivations des individus,
- situer les acteurs par rapports aux relations qu’ils entretiennent entre eux (interaction),
-analyser les stratégies des acteurs et leurs résultats.
Pour Weber, « seul l’individu est porteur de sens », contrairement à Durkheim pour qui le fait social est considéré comme « toute manière de faire, fixée ou non, est susceptible d’exercer sur l’individu une contrainte extérieure ». Ce courant déterministe issu du paradigme holiste rejoint le matérialisme historique dans la conception des rapports sociaux de production.
Les rapports sociaux ne sont pas seulement des rapports entre les hommes ; ils se sont liés entre eux à une fonction qui dépend de leurs rapports avec les moyens de production. Marx n’a pas construit de théories centrées sur des réflexions concernant l’homme. Marta Harnecker dit à ce sujet : « il a cherché à comprendre les lois déterminant l’existence réelle des hommes en société ». Il privilégie le tout. Il faut aussi ajouter que pour Marx, les rapports sociaux de production sont des rapports qui s’établissent indépendamment de la volonté des hommes. Tout ceci étant dû à la subjectivité des hommes impliqués dans un système où il n’y a pas d’autre alternative que la lutte contre le détenteur des moyens de production.

2. Le rôle de l’éthnométhodologie
Les divergences d’opinion entre Parson et H. Gardinkel concernant la réflexivité de l’acteur social ont permit l’approfondissement du rôle de l’éthnométhodologie.
En effet, la notion d’intégration des normes par l’acteur social est déterminante dans le processus social. La tâche du chercheur sera d’analyser le sens que les individus donnent à leurs actions et comment ils entrent en interaction avec les individus.
L’activité sociale sera ainsi définie comme un comportement significatif orienté vers l’autre. Cette approche s’effectuera en termes de représentation, d’étiquetage ou de stigmatisation contenue dans le concept interactionnisme symbolique.
L’éthnométhodologie pourra donc observer l’individu non comme agissant exclusivement selon un système de normes mais son action pourra être définie par les relations qu’il noue avec autrui, et contribuer à identifier son rôle social. Il y a donc prise en compte de l’action et du contexte de l’action.
Il sera donc difficile, par exemple d’analyser une réaction de la classe ouvrière qui n’est pas considérée comme individu mais comme classe sociale. Par contre, un groupe qui aurait les mêmes règles et une idéologie commune, pourrait être observable. Marx fait d’ailleurs, à ce sujet, une différence entre groupe sociale et classe sociale dans le sens où les groupes ne sont pas directement liés à la production contrairement aux classes sociales.

CONCLUSION
En conclusion, le concept des rapports sociaux tels qu’ils ont été décrits par Marx correspond à une évolution sociale significative qui a marqué l’histoire. Ses successeurs ont été inspiré par ses théories, ce qui leur a permis d’approfondir leurs recherches scientifiques et de les développer hors du concept de totalité.
Devenue une science « de terrain », où la position de l’acteur social est le point central, l’éthnométhodologie doit respecter des règles précises et rigoureuses. La rupture épistémologique est nécessaire au chercheur pour obtenir un résultat exploitable et sans jugement de valeur personnel.

CONCLUSION GENERALE

Tout d’abord, pour arriver à cette étape de notre réflexion, il n’était pas possible de traiter les faits sociaux comme des choses mais bien d’expliquer les phénomènes sociaux par des mécanismes sociologiques résultant d’un processus historique.

D’autre part, il est difficile d’étudier l’organisation d’une structure sans considérer le rôle de l’acteur social et vis versa. Or, la conception systémique insiste sur l’importance des structures, des organisations et des interactions et néglige le rôle de l’acteur social dans toutes ces articulations. Il pourrait aussi être fait le même reproche pour le concept éthnométhodologique qui privilégie l’étude des relations entre les individus ceci afin d’identifier son rôle social.

Par ailleurs, la théorie marxiste qui dit : « se sont les hommes qui font l’histoire mais ils la font dans des conditions bien déterminées » n’est pas fausse. Loin de là ! mais lorsque    Marx parle « des hommes », il ne parle pas de l’homme en tant qu’acteur social, mais en tant que « masse ». En parlant des masses, Marx est forcément plus sensible aux variations historiques et à la diversité des voies de l’évolution économique et sociale.

Les réactions suscitées par la théorie marxiste ont donc été profitables en sciences humaines et ont fait émerger de nouveaux outils de recherche pour favoriser son évolution, tels que la systémique et l’éthnométodologie.

Ces remarques m’amènent à souligner aussi l’importance du caractère d’intégrité et le grand effort d’objectivité de la part du chercheur. En effet, la sociologie pose au sociologue des problèmes d’étiques comme peut d’autres disciplines scientifiques. Celui qui pratique la sociologie doit, d’une part se faire une règle de s’attacher aux normes scientifiques les plus strictes et doit, d’autre part, s’interroger constamment sur ses valeurs et options personnelles et celle de son milieu, sachant que son travail scientifique n’est jamais imperméable à leurs influences.

Morine STRIDE 
sous la direction du Professeur Paul DEMUNTER
Université de LILLE III – Sociologie de l’Education – 1994

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